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On se mouille pour les grenouilles : Nina et Sofie aident les amphibiens à traverser la route
Chaque printemps, des centaines de milliers de crapauds, grenouilles et autres salamandres traversent les routes belges très fréquentées pour rejoindre le point d'eau où ils ont vu le jour. Sofie Witvrouwen et sa fille Nina se font un plaisir de leur montrer la voie vers le Hobokense Polder.
Le trafic routier : un meurtrier de masse
Le soir tombe sur les berges de l'Escaut. Les derniers promeneurs quittent le Hobokense Polder et frappent leurs chaussures boueuses sur le trottoir de la Scheldelei. Maintenant que le calme est revenu dans la réserve naturelle, les fuligules morillons et les sarcelles d'hiver reprennent possession des lieux. Mais attendez... Deux silhouettes se dessinent encore dans les lueurs du trafic. Elles portent des gilets fluorescents et semblent chercher quelque chose sur le trottoir. La plus petite des deux porte un gros seau.
Sofie Witvrouwen et sa fille Nina (5) cherchent les crapauds, grenouilles et autres salamandres. Lorsqu'une femelle crapaud sort de la haie, pleine d'œufs, Nina se précipite sur elle. Elle la saisit avec agilité entre ses mains et nous la montre. « Les crapauds sont faciles à attraper », dit-elle. « Ils ne sautent pas beaucoup, mais les grenouilles oui ! Et elles sont très gluantes. » Nina place délicatement le crapaud dans son seau, sur le lit de branches et de feuilles qu'elle a installé avec beaucoup d'amour un peu plus tôt.
(Nina, cinq ans)
Juste à ce moment, une voiture venant d'une rue adjacente s'engage sur la Scheldelei. Cette rue sépare le quartier de Polderstad et le Hobokense Polder. Pour les amphibiens, qui passent souvent l'hiver dans les jardins de Polderstad, cela représente un obstacle de taille. Ce n'est pas pour rien si l'on place des panneaux routiers le long de la route pour inciter les automobilistes à ralentir. Ici, les conducteurs ne doivent pas seulement faire attention à leurs semblables. Lorsque les crapauds, grenouilles et salamandres traversent par milliers pour retourner dans le point d'eau où ils ont vu le jour, généralement dans le Hobokense Polder, la Scheldelei est le théâtre d'une véritable hécatombe.
C'est sans compter sur Sofie et Nina. Pendant la migration des amphibiens, mère et fille emmènent les animaux de l'autre côté de la route fréquentée. Tout le monde dans le seau, on traverse prudemment, et le danger est évité. On pourrait les comparer aux superhéros des bandes dessinées, avec leur belle cape, qui aident les personnes âgées à traverser un carrefour dangereux. « C'est la troisième année que nous le faisons », précise Sofie, qui habitait à Polderstad jusqu'à l'été dernier. Elle a entendu parler du sauvetage des amphibiens dans une brochure de Natuurpunt, qui coordonne les actions partout en Flandre. « Nina a tout de suite été convaincue. »
Vous recherchez une organisation dans votre région qui organise des actions de sauvetage des batraciens et vous souhaitez y participer ? Jetez vite un coup d'œil à la page Sauvetage des batraciens du site Internet de Natagora.
En quoi consiste le sauvetage des amphibiens ?
En Belgique, presque tous les crapauds, grenouilles et salamandres hibernent. Ils se réveillent dès le début du printemps. Enfin, le printemps... Pour les sortir de leur sommeil, il suffit de cinq jours sans gel au sol et d'une température d'environ huit degrés au crépuscule. Ils apprécient particulièrement les nuits humides et sans vent. Quand ces conditions sont réunies, ils se réveillent tous avec une seule idée en tête : se reproduire. Et pour ce faire, ils retournent vers le point d'eau où ils ont vu le jour. Dans un pays très artificialisé comme la Belgique, ils doivent souvent traverser des routes fréquentées.
Dès que la météo commence à être favorable, Sofie et Nina se préparent à intervenir. Bien que cela varie d'une année à l'autre, la migration des amphibiens a généralement lieu de mi-février à fin mars. Nina attend ce moment avec impatience. « Déjà en été, elle demande quand les crapauds et les grenouilles vont sortir », dit Sophie en riant. « Puis elle commence à décompter les jours. Elle espère vraiment la pluie. Et elle est déçue quand le temps reste sec. »
(Sofie Witvrouwen, maman de Nina)
Nous nous trouvons désormais à côté d'un coin de nature dans le quartier de Polderstad. Quelques seaux enterrés permettent de piéger temporairement les amphibiens avant de les relâcher de l'autre côté de la route. Nina court vers les seaux et remue les feuilles dans le fond. Sans succès.
Elle ne se laisse pas décourager pour autant. Nous continuons à nous balader, et en seulement quelques minutes, Nina et sa maman ont déjà sauvé un crapaud et une grenouille d'une mort probable sous le pneu d'une voiture. Même une salamandre de quelques centimètres de long n'échappe pas aux yeux d'aigle de la petite fille. Son enthousiasme est contagieux. « Non, ça ne les dérange pas d'être ensemble », nous rassure Nina. « Ils ne se disputent jamais dans le seau. »
Une petite présentation
Sofie
38 ans
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Travaille comme infirmière en horaires postés
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Habite dans le quartier de Kiel, près du Hobokense Polder
Nina
5 ans
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En troisième maternelle à Polderstad
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Partage son temps entre Kiel et Polderstad
Hypersensible
Avec beaucoup de patience et de concentration, Nina scrute les environs. Aucun détail ne lui échappe. Rien n'indique que Nina est hypersensible. « Je l'ai ressenti quand elle était toute petite », explique Sofie. « Bébé, Nina pleurait beaucoup, même s'il s'est avéré plus tard que c'était à cause d'une allergie au lait de vache. » Après une journée chargée ou de nombreux contacts sociaux, Nina avait beaucoup de mal à s'endormir le soir. Elle était submergée par les stimulations de la journée. D'un autre côté, le bruit d'un aspirateur, par exemple, la calmait.
Les institutrices de maternelle ont rapidement confirmé les soupçons de Sofie. À cause de son hypersensibilité, Nina avait du mal à gérer les attentes et la pression. « Cela se manifestait surtout à l'école », explique Sofie. « Le matin, Nina était tellement mal, à cause du stress, qu'elle vomissait presque tous les jours. La tension s'accumulait surtout dans son corps au niveau du ventre. »
Cette tension intérieure est désormais presque oubliée, notamment grâce à l'ostéopathe compétent qui traite Nina et qui lui fait un « entretien » toutes les trois semaines. Les institutrices aident aussi Nina en lui donnant confiance en elle et en lui disant qu'elle a le droit de faire des erreurs. Mais ce qui l'aide le plus, c'est la nature.
Avec son papa Gunther et sa maman Sofie, Nina se balade depuis son plus jeune âge dans le Hobokense Polder, un endroit qui, selon Sofie, lui fait beaucoup de bien. « Elle veut toujours faire le grand tour. La balade est longue, mais ce n'est pas un problème pour elle », précise Sofie. L'enthousiasme enfantin de Nina donne aussi l'envie à sa maman de prendre le temps d'observer la nature. Une fleur qui s'ouvre, les changements entre les saisons... « Des choses que l'on considère comme normales en tant qu'adulte et sur lesquelles on ne s'attarde pas. Nina m'aide à reprendre conscience de tout cela. »
Mère et fille profitent de la nature à chaque saison. En été, elles pratiquent beaucoup le geocaching. En automne, elles ramassent les noix et les châtaignes. Et à la fin de l'hiver, c'est le moment de la migration des batraciens. Aider les crapauds et grenouilles à traverser la route semble être le dernier coup de pouce dont Nina a besoin. Comme il n'y a pas de pression, elle est parfaitement apaisée avec son seau à la main. « Même quand on ne trouve qu'un seul amphibien, Nina est contente », explique Sofie. « Nous avons quand même le sentiment d'avoir fait quelque chose de bien pour la nature. »
L'amie des animaux
Nina nous demande de nous arrêter. Elle dépose son seau sur le trottoir, y plonge sa main et en ressort un crapaud. En le déposant par terre, elle regarde attentivement comment il se déplace. « J'aime bien voir comme il marche », explique-t-elle en remettant le crapaud dans le seau. Qu'est-ce qui lui plaît dans le fait d'aider les amphibiens à traverser ? « On peut mettre les animaux dans le seau puis les relâcher dans le bois. » Pour Nina, ce sont aussi de jolies bestioles. « Parfois, elles ont plein de couleurs différentes. Mais pas souvent. »
C’est indéniable : Nina est une amie des animaux qui apprécie beaucoup la nature. Elle fête toujours son anniversaire à la ferme des enfants de Lier, où elle peut nourrir les autruches et caresser les lapins. Le week-end, elle fait de l'équitation, sans pression et à son propre rythme. D'abord une demi-heure de cours, puis une demi-heure de balade dans le bois. « Une fois de plus, la combinaison des animaux et de la nature fait des merveilles pour elle », explique Sofie.
Pendant la migration des amphibiens, il y a parfois des moments tristes, car tous ne survivent pas. « Quand on trouve un crapaud mort ou une grenouille morte, ça va encore », dit Sofie, « on les met dans la rigole et ils seront mangés par les oiseaux. Nina comprend ça. Mais une fois, la grenouille que nous avions mise dans la rigole a été emportée par l'eau. Nina a trouvé ça très triste. Car elle pouvait encore accepter que les oiseaux mangent les grenouilles mortes. Mais qu'allait-il se passer pour la grenouille emportée ? Elle a eu du mal à s'en remettre, même si ce jour-là, nous avions aidé beaucoup de crapauds et de grenouilles à traverser. Le pire, c'est quand une voiture écrase une grenouille sous ses yeux. Elle est parfois très affectée. »
Heureusement, ces accidents sont moins fréquents grâce à l’action de Nina et Sofie. Pendant la migration des batraciens, elles arpentent presque tous les jours la Scheldelei. « Même quand on sait que le temps n'est pas idéal et que cela ne sert à rien », dit Sofie. « Nina insiste pour qu'on vienne quand même voir. Parfois, nous trouvons une salamandre. » Pendant les vacances de printemps, le duo fait tous les jours trois allers-retours sur la Scheldelei et remplit parfois tout le fond du seau. « Par soir, nous en attrapons au maximum dix », dit Sofie. « Non, onze ! », réplique Nina. On ne badine pas avec les chiffres.
Cette fois, la récolte se limite à quatre individus. Nous traversons la route et marchons sur un sentier non éclairé dans le Hobokense Polder. Dans l'obscurité totale, à la lueur de deux lampes frontales, nous pataugeons dans la boue. Une expérience assez particulière. « Toute seule, j'aurais peur ici », confie Sofie, « mais pas avec Nina à mes côtés. Nous ne pensons qu'à sauver les animaux. »
(Sofie Witvrouwen, maman de Nina)
Entre quelques ronces, nous rendons la liberté aux grenouilles et crapauds. Leur voyage touche à sa fin. Nina et Sofie se regardent avec complicité. Elles sont heureuses. Un moment mère-fille unique. « Parfois, nous sommes trempées jusqu'aux os », dit Sofie. « Mais cela ne nous empêche pas de nous amuser. Pour moi, le plaisir est double : le plaisir que j'en retire et surtout celui de ma fille. »
Quelques jours plus tard, nous recevons un message de Sofie : « Super soirée : 32 amphibiens. Nina les a ramenés à la maison pour la nuit et les a relâchés dans le bois avec sa classe le jour suivant. J'ai expliqué aux enfants pourquoi nous aidons les amphibiens à traverser et je leur ai montré les différences entre les espèces. » Bravo Nina et Sofie !
Cinq questions à Natuurpunt sur le sauvetage des amphibiens
La migration des amphibiens, c'est quoi ?
Dominique Verbelen (expert en amphibiens chez Natuurpunt) : « Dès qu'il fait plus froid, les grenouilles, crapauds et salamandres entrent en hibernation. Par exemple, dans un creux sous un arbre, dans une cave ou dans un tas de paille. La plupart du temps, ils se réveillent entre le 20 février et la fin mars et se mettent en route pour trouver un point d'eau pour se reproduire. Les dates de migration diffèrent d'une année à l'autre. »
Pourquoi ne se reproduisent-ils pas là où ils hibernent ?
Dominique Verbelen : « Ils se reproduisent obligatoirement dans l'eau : une mare, un ruisseau, un étang ou un fossé. Ils sont présents en très grand nombre car les amphibiens de partout se retrouvent à ce même endroit. Cela leur convient pour une courte période, mais pas pour toute l'année. Car ce sont des animaux territoriaux et qu'il n'y a pas assez de nourriture autour d'un petit étang. Après la reproduction, ils se dispersent à nouveau. »
Pourquoi n'organise-t-on un sauvetage des amphibiens qu'avant la reproduction ?
Dominique Verbelen : « Pendant le voyage aller, de leur lieu d'hibernation à leur lieu de reproduction, les amphibiens se déplacent en grand nombre à la tombée du jour, aux alentours de sept heures. À ce moment, il y a encore beaucoup de voitures sur les routes. Une voiture peut faire un grand nombre de victimes. Après la reproduction, ils traversent à nouveau la même route, mais nous sommes alors début mai et la nuit ne tombe que vers dix heures. En d'autres termes : à une heure où le trafic est beaucoup moins dense. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de victimes, mais il est plus facile de mobiliser les bénévoles lors de la migration de printemps. »
À combien d'endroits est-ce que Natuurpunt aide les amphibiens à traverser ? Dominique Verbelen : « L'année dernière, nous avons enregistré 276 projets. Une très bonne année : 196 000 amphibiens ont pu traverser les routes sains et saufs et on a recensé 12 000 victimes du trafic. Nous n'avons aucune idée du nombre de bénévoles qui aident les animaux à traverser. Je le fais au niveau local avec un habitant du quartier, mais à d'autres endroits, des écoles entières sont mobilisées. »
Pourquoi est-il si important de les aider ?
Dominique Verbelen : « Ce n'est pas parce que nous aidons 200 000 amphibiens à traverser que sans nous, ils auraient tous été tués sur la route. Mais localement, ces actions font vraiment la différence pour la conservation des populations. C'est l'objectif principal. Mais cela a aussi d'autres effets positifs. Beaucoup de gens souhaitent faire un geste pour la nature, et ces actions de sauvetage sont une occasion idéale. La première action organisée en Flandre remonte à 1981. Depuis lors, de plus en plus de personnes sont prêtes à y consacrer du temps. »
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