Évitez la dénomination « club de course à pied » pour désigner une équipe de running. Car ce qui compte avant tout dans ce concept, ce ne sont pas les records de chacun, mais l’aspect social et l’exploration urbaine en collectif. Nous avons couru avec cette équipe à Bruxelles.
Déferlement au parc du Cinquantenaire
Au coucher du soleil, une horde mugissante de 70 coureurs traverse le parc bruxellois du Cinquantenaire. Nous croisons de petits groupes de pique-niqueurs. Des enfants jouent au badminton, tandis que des travailleurs en costume-cravate des institutions européennes s’empressent de rentrer chez eux. Nous passons devant des parterres de fleurs et des statues et nous dirigeons vers l’arc de triomphe. Les derniers rayons de soleil éclairent magnifiquement le monument. « Que c’est beau ! », s’écrie l’un des joggeurs. « Je n’étais jamais venu ici auparavant. » Ces coureurs font partie du BXL Run Crew, l’un des nombreux collectifs de coureurs qui ont vu le jour en Belgique et à l’étranger au cours des dix dernières années.
N’utilisez surtout pas la formulation « club de course à pied » pour désigner une équipe de running. Car ce qui compte, en l’occurrence, ce ne sont pas les records personnels ni les moyennes, mais l’aspect social. Et l’exploration de Bruxelles. « La priorité est l’équipe », explique Valerie Ottenburgs (31 ans), l’une des quatorze capitaines du BXL Run Crew. Aujourd’hui, elle m’emmène aussi dans son sillage. Et, spoiler alert, je suis loin d’être un adepte de la course à pied. « Les sprints ou les performances ne sont pas importants pour nous », dit-elle pour me rassurer. « C’est l’aspect communautaire qui prime. » Cela se reflète dans les conditions de participation très souples : la course est gratuite, il n’y a pas d’inscription ou d’affiliation obligatoire, ni aucune autre obligation. « Il vous suffit de vous présenter quand vous en avez envie. »
Qui participe ?
• Tom Peeters
• 37 ans
• Journaliste et rédacteur originaire de Ginderbuiten, un hameau de Mol — même s’il bourlingue plus à gauche et à droite qu’il ne séjourne à Mol
• Ne pratique la course à pied que de manière occasionnelle
• Instagram: @tomas_paradise
Nous passons sous les arcades et remontons l’avenue de Tervueren. À hauteur de la station de métro Mérode, une femme frappe spontanément dans ses mains. « Il n’est pas rare que les gens assis sur les terrasses applaudissent ou acclament les participants », raconte Valerie. Cela ne m’est encore jamais arrivé lors de mes sorties en solo dans les bois. « Parfois, nous occupons toute la rue, ce qui est vraiment agréable. » Je peux en témoigner personnellement : je me sens tellement en sécurité au sein du groupe que j’en ai la chair de poule. S’agirait-il de l’« euphorie du coureur » ? Une étude scientifique a en effet démontré que le fait de courir en groupe renforçait les liens sociaux et augmentait à la fois le plaisir et le niveau d’énergie des coureurs. La course en équipe donne littéralement des ailes.
Qu’est-ce que la BXL Run Crew ?
• Date de création : la BXL Run Crew a été créée en 2016 par Tim Verheyden et Camille Pollie, deux employés de la VRT qui souhaitaient rassembler les personnes partageant les mêmes affinités et souhaitant explorer ensemble la ville de Bruxelles en courant.
• Philosophie : ce qui compte, ce n’est pas la vitesse ni les performances, mais la connexion entre les gens. Dans leur manifeste, les membres de l’équipe décrivent cette philosophie comme suit : « Nous pensons que la course à pied est une belle chose, un moyen de se connecter à soi-même, aux autres, à la ville et à la nature. »
• Activités de l’équipe : 5 km le lundi (une semaine sur deux), 10 km le jeudi (idem). Le dimanche, la course est plus longue — jusqu’à 30 km — et une fois par an, on organise une course d’ultra-trail de 50 km. Entretemps, il y a aussi les « bootyful Mondays » (séances de fitness gratuites le lundi) et d’autres activités telles que le « beer mile » (marcher et boire des pintes) et la « buggy run » (course de poussettes).
• Nombre de participants : il n’y a pas d’adhésion officielle, toute personne désireuse de participer à la course peut s’inscrire. La course de la Journée sans voiture a attiré 125 passionnés.
• Qui peut participer ? Les personnes de toutes constitutions, de tous âges, de tous sexes sont les bienvenues. La seule condition est de pouvoir jogger pendant au moins une demi-heure à une vitesse moyenne de 10 km/h.
• Envie d’en savoir plus ? Rendez-vous surwww.bxlruncrew.com
Motivation, sécurité et amitié
Les raisons de participer à ce type de course sont très diverses. Pour Maarten Christiaen (32 ans), la course en équipe est une incitation à tenir ses bonnes résolutions. « Comme les années précédentes, j’ai décidé au 1er janvier de faire plus souvent de l’exercice », explique-t-il. « C’est la première fois que ça fonctionne depuis plus de deux semaines. Grâce à l’équipe, je maintiens une activité physique régulière. » Une étude néerlandaise indique noir sur blanc qu’il est plus facile de continuer à courir en groupe.
Valerie souligne, quant à elle, l’aspect sécuritaire. « En tant que femme, il est plus agréable de se promener en groupe dans une ville le soir », explique-t-elle. « C’est aussi la raison pour laquelle nous nous rencontrons toujours dans des lieux facilement accessibles par les transports en commun. » Valerie, qui est originaire de la commune néerlandophone de Heers dans le Limbourg, court avec la BXL Run Crew depuis 2019. « Après mon déménagement à Bruxelles, j’y ai participé une fois puis j’ai continué à venir », dit-elle en souriant. « C’est devenu un véritable groupe d’amis. » Et c’est à un tempo de 10 km/h qu’elle a rencontré son partenaire de vie. Il se murmure parfois que l’équipe de running est une équipe de rencontres amoureuses. Deux membres de l’équipe de running se sont récemment mariés et un bébé est venu s’ajouter au couple.
Nisa Khan (25 ans) considère aussi la BXL Run Crew comme « le meilleur moyen de rencontrer des gens et de découvrir la ville ». Il y a trois mois, elle a quitté Londres pour s’installer à Bruxelles pour le travail. « Un jour plus tard, je courais déjà », raconte-t-elle. Le Bruxellois francophone Tidjane George (30 ans) a grandi à deux pas. Aujourd’hui, c’est la première fois qu’il court avec le groupe. « D’habitude, je cours seul, mais l’idée m’a paru sympa : participer à un événement jovial durant lequel on rencontre beaucoup de monde. »
Promenades au fil de l’Art déco
La diversité de Bruxelles se reflète aussi dans l’équipe de running. Des coureurs affluent de tous côtés — des coins les plus reculés de la ville, du pays, du monde. On y parle le néerlandais, le français et le bruxellois, mais aussi l’allemand et l’anglais. Ici, les jeunes d’une vingtaine d’années côtoient les sexagénaires, les Flamands côtoient les Wallons et les Bruxellois. Les expatriés se taillent facilement aussi une place au sein de l’équipe de la BXL Run Crew, tout comme les touristes occasionnels. Tout le monde est le bienvenu — « les personnes de toutes constitutions, de tous âges et de tous sexes », comme disent les membres de l’équipe, pour autant que ces personnes soient prêtes à enfiler leurs chaussures de course.
Nous engageons la conversation avec Alaa Cheaib (29 ans), un Libanais qui s’est installé à Bruxelles il y a un an et demi. « Ici, j’ai l’impression de faire partie de quelque chose de plus grand, d’une communauté », confesse-t-il. « Mes meilleurs amis bruxellois font partie de l’équipe. » Alaa Cheaib s’entraîne actuellement pour un marathon, mais il a déjà participé à des compétitions de courte distance aux Jeux de la Francophonie, l’équivalent français des Jeux du Commonwealth. Il s’agit en quelque sorte des Jeux olympiques pour les pays où l’on parle français ou qui ont un passé colonial français. La running crew est l’une des rares pratiques sportives où, en tant que débutant, vous pouvez courir côte à côte avec un prodige de la course à pied. Ceci dit, il ne faut pas craindre que les vétérans chevronnés vous fassent faux bond : le ton est donné dès le départ. L’ambiance est plutôt aux compliments et aux encouragements, et non à l’envie de devancer les autres ou de se vanter de ses exploits.
Faire une sortie avec la BXL Run Crew, c’est aussi découvrir la ville de Bruxelles. Les parcours de running explorent chaque fois des quartiers différents, la capitale étant un immense terrain de jeu. C’est ainsi que Maarten, qui vit pourtant à Bruxelles depuis 10 ans, a récemment été impressionné par le parc des Étangs à Anderlecht. Valerie est souvent confrontée à de telles réactions. Les nouveaux arrivants sont étonnés de constater à quel point Bruxelles est une ville verdoyante. Ils y découvrent aussi des cafés typiquement bruxellois — chaque promenade commence et se termine dans l’un de ces endroits — ou des joyaux architecturaux. Un jour, un étudiant en art a même élaboré un itinéraire de promenade le long des plus beaux bâtiments Art déco de Bruxelles.
Solidarité et discussions profondes
Juste avant le rond-point Montgomery, nous tournons à droite dans une rue latérale avec une vingtaine de coureurs. Le grand groupe continue tout droit, en direction du parc de Woluwe. Nous parcourons 5 km, eux 10. D’habitude, les groupes courent séparément, mais aujourd’hui, nous clôturons la saison estivale ensemble. L’un des capitaines nous guide en douceur à travers le dédale des allées à circulation restreinte d’Etterbeek, puis à travers le parc ING, le parc du Roi Vainqueur et le parc de la Cité Jouët-Rey — des petits coins de verdure en pleine ville. Pratique, car il n’est pas nécessaire de planifier soi-même un itinéraire. Les capitaines s’en chargent bénévolement. La solidarité est de mise tout au long du parcours : les coureurs n’hésitent pas à attirer l’attention des autres sur une borne ou une voiture qui surgit soudainement. Tout le monde est attentif à l’autre, comme dans un club cycliste.
La boombox d’un des capitaines résonne au rythme des beats d’une chanson de DJ Heartstring : don’t stop, don’t stop. C’est motivant. Le leader de l’équipe — ou pacer dans le jargon sportif — est en quelque sorte le métronome du groupe. C’est un chronomètre vivant qui maintient le rythme à une moyenne de 10 km/h. Un rythme qui nous laisse suffisamment d’oxygène dans les poumons pour une bonne conversation. Et parfois, ces conversations sont très profondes. Sarah Van Praet (35 ans) vient courir à côté de moi. Elle aussi a rejoint l’équipe pour rencontrer des gens après avoir quitté Termonde. L’année dernière, un cancer de la peau a été diagnostiqué chez Sarah. Au cours d’une opération visant à retirer les ganglions, le chirurgien a touché un nerf. Verdict : un pied tombant — une affection qui l’empêche de soulever et de dérouler son pied correctement. « Les médecins pensaient que je ne marcherais plus jamais », dit-elle. C’était sans compter sur sa persévérance. De nombreuses séances de kinésithérapie plus tard, elle enchaîne à nouveau régulièrement les entraînements de running. Le soutien de toute une équipe l’y a aidée. « Chaque course avec ces gens est comme une victoire pour moi », explique-t-elle avec enthousiasme.
Pendant ce temps, les kilomètres défilent sous nos pieds. Poussés par le groupe, nous sentons à peine l’effort. Et cela est également dû au fait qu’une course à Bruxelles n’est pas une course en forêt : ici, on peut de temps en temps reprendre son souffle, le temps d’un feu rouge ou d’un tram qui passe. Dans un dernier effort, nous gravissons un escalier, deux ou trois marches à la fois. La course se termine un peu plus loin. Les derniers rayons de soleil ont disparu, les réverbères illuminent à présent l’arc de triomphe — quelle majestueuse ligne d’arrivée ! Après 5 km passés en compagnie de la BXL Run Crew, je ne retiens qu’une chose : c’était super, quand est-ce qu’on recommence ?
Équipes de running en Belgique (et à l’étranger)
La tendance des équipes de running, inhérente aux grandes villes comme New York, Londres et Berlin, a déferlé sur la Belgique. Ces dernières années, les équipes de running n’ont cessé de se multiplier dans notre pays et, en tant que coureur, vous avez le choix entre une douzaine de clubs actifs, surtout dans les villes. La plupart des équipes de running fonctionnent comme la BXL Run Crew : elles organisent régulièrement des séances de course à pied en ville, tandis que d’autres se concentrent sur des thèmes spécifiques allant du trail à la course de dénivelé. Le site Internet Running Crews vous donnera un aperçu des équipes à l’international. Il n’est pas nécessaire d’être membre d’une équipe de running, ce qui facilite grandement la participation à des courses, même à l’étranger. Si vous partez en citytrip et que vous avez envie de courir en ville, vous pouvez vérifier rapidement dans la base de données s’il existe une équipe de running à proximité.
• Anvers : Antwerp Running Crew, Negative Split Running Tribe.
• Bruges : 8000 Running.
• Bruxelles : BXL Run Crew, Cadence Athletics, Trail Trash (trail dans la forêt de Soignes), Carbon Athletics.
• Gand : Ghent Running Crew, Dplusdinsdag Gent (dénivelés sur la Karel Sabbeberg).
• Halle : Halle Run Crew.
• Courtrai : Kortrijk Running Crew.
• Louvain : Dplusdinsdag LOUVAIN (dénivelés sur les collines aux alentours de Louvain).